Ce classement des 5 meilleurs films de 2008 était différent hier ; il changera peut-être demain. C’est pourquoi il revendique haut et fort sa subjectivité :

-1-

Un conte de Noël, Roubaix !

de Arnaud Depleschin
Le plus beau film de Depleschin injustement oublié au palmarès du Festival de Cannes. Sa mise en scène et l’interprétation de sa troupe de comédiens qui regarde dans la même direction artistique sont absolument somptueuses, impériales.
Ce scénario d’une richesse et d’un foisonnement inouïs inclut deux flash forward qui anticipent le cours du récit ponctué de split screen, fermetures à l’iris, adresses caméra, citations et références. Si vous replacez chronologiquement les flash forward, alors vous vous apercevez que dans ce « règlement de conte » familial, ce sont les enfants qui engendrent les parents. Du vrai et du très grand cinéma !

Junon Deneuve et Henri Amalric. Mère et fils ?…

Non, deux cow-boys qui s’aiment autour d’une cigarette.

 

-2-

The visitor

de Thomas Mc Carthy
The visitor aurait pu être une boursouflure de bons sentiments comme le faisait craindre sa bande-annonce catastrophique. La régénérescence d’un sexagénaire grâce à l’amitié, à la musique et enfin à l’amour avait de quoi faire frémir.
Eh bien, non ! Cette œuvre écrite, réalisée et interprétée avec épure évite tous les poncifs américano-humano-dégoulinants. Aussi impitoyable qu’émouvante, elle dénonce sans fard la paranoïa des Etats-Unis depuis le 11 septembre et sa politique d’expulsion galopante.
The visitor
concrétise à la perfection le vœu pieux de Jean-Luc Godard : faire politiquement du cinéma plutôt que du cinéma politique.
Richard Jenkins et Haaz Sleiman
Le djembe ou une certaine idée de la liberté
-3-

The dark knight, le chevalier noir

de Christopher Nolan
Ce sixième épisode de la saga Batman au cinéma s’avère le plus capé, le plus culotté, le plus épouvanté, le plus atomisé, mais aussi le plus captivant parce que le plus profond.
Éreinté par sa longévité, donc par la légitimité de son propre mythe, Batman aussi lisse que las reprend du collier pour sauver Gotham City, la jumelle de New York assombrie par la tourmente du terrorisme.
En Ben Laden punk et sadomaso, Health Joker Ledger masque au sens propre comme au figuré un abîme de blessures qui le conduisent aux frontières de la folie, de la mort.
Un Oscar posthume s’impose pour cet acteur poète parti rejoindre River Phoenix, son frère spirituel de cinéma.
Health Ledger brandit son dernier joker
-4-
 

Les bureaux de Dieu

de Claire Simon
Les bureaux de Dieu, avec une intensité magistrale, recréé un planning familial situé sous les toits de Paris. Point culminant qui contemple l’agitation de la capitale et aimante ses confidences les plus intimes.
Dans une réalité documentaire et une recomposition fictionnelle, Claire Simon signe non seulement un film d’une grande beauté, mais une œuvre d’utilité publique qui devrait être remboursée par la sécurité sociale.
Toutes les actrices, professionnelles ou non, veillent avec l’énergie de tous les espoirs sur ces bureaux de Dieu dont les voies toujours impénétrables cherchent la libération sexuelle à travers l’obscurantisme de l’ignorance.
Nathalie Baye
Belle du Seigneur des Bureaux de Dieu

-5-

Les sept jours
de Ronit et Shlomi Elkabtez
Avec Prendre femme, le second long-métrage du frère et de la sœur Elkabtez forme l’embryon d’une filmographie vibrante, fiévreuse, noblement engagée, artistiquement impeccable.
Les réalisateurs scrutent, pendant la guerre du Golfe, l’implosion d’une famille israélienne enfermée pendant sept jours pour cause de deuil. Ils grattent jusqu’au sang les plaies de cette communauté. Arrachent les peaux mortes d’une société malade au fil de plans fixes dignes d’un Manoel De Olivera, de portraits de groupe grouillant comme des insectes égarés.
Les sept jours rassemble une brochette de comédiens exceptionnels au sommet de leur art : celui de l’écoute de l’autre jusqu’à son plus infime frémissement.
Ronit Elkabetz
Le diamant noir du 7e Art
-bonus-

Next floor

de Denis Villeneuve
Lors d’un opulent et luxueux banquet, onze convives sont servis à profusion par une horde de valets stylés. Tous participent à cet étrange repas aux allures de carnage gastronomique.
Ce court-métrage du canadien Denis Villeneuve (Un 32 août sur terre, Malström) allie le naturalisme décadent d’Eric Von Stroheim à celui, grotesque, de Marco Ferreri.
Dénonçant les excès de la société de consommation, Next floor plonge sa tablée dans une descente aux enfers carnassière. Un film cinglant comme un coup de cravache !

 

Bon appétit !

 


Pêle-mêle

Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet streetde Tim Burtonfort de sa métaphore concentrationnaire. L’enfant handicapé aux mains d’argent et l’adolescent traumatisé de Sleepy Holow sont devenus un adulte au coeur brisé. Tragédie musicale dés-enchantée et sanguinaire à la Kitano.
Johnny encore Depp toujours


No country for old men
de Joel et Ethan Cohen. Comment ne pas tuer, mais ressuciter le père à l’issue d’une traque au serial killer labyrinthique.

Javier Bardem
alias Mireille Mathieu


Julia
l’opus américain, fiévreusement « cassavetessien » d’Eric Zonca. Un road-movie fébrile et onirique injustement boudé par le public.



Tilda Rowlands
Gena Swilton

 


Into the wild
de Sean Penn. Film à l’unhappy end la plus heureuse de 2008. Se perdre, se trouver : deux pôles mentaux séparés par l’épaisseur d’un papier à cigarette. Dans cet espace infime, le cinéma se glisse et prend toute sa valeur de questionneur.



Emile Hirsch
ou le désir du néant


There will be blood
ou le Citizen Kane aux accents viscontiens de Paul Thomas Anderson.

Daniel Plainview ou Day Lewis ?…
Non, Charles Foster Kane

 


Septième ciel le mélo sexuel du quatrième âge fait un pied de nez cru à l’ogre cinéma amateur de chair fraîche. Pari aussi gonflé que réussi du germanique Andreas Dresen.


Ursula Werner
Horst Westphal
:
Je t’aime moi ridé



Elle s’appelait Sabine un cri d’amour à bout de bras et de toutes ses forces entre deux soeurs : Sandrine et sabine Bonnaire.

Sabine Bonnaire
un visage à la De Vinci

 

Les plages d’Agnèsest sorti après la parution du Top 5 d’Ecran Noir. Ce film-bijou partage sans nul doute la première place avec Un conte de Noël de Arnaud Depleschin. Mieux, il décroche un prix d’excellence à part, une décoration hors norme – une palme en plastique ! – à l’image de sa créatrice.

Du haut de ses quatre-vingts balais, la grande Agnès V. mi Lilliputienne, mi batracienne hisse l’artisanat du cinéma à l’esprit de poésie si cher à Jean Cocteau.
Son âme de réalisatrice-photographe-plasticienne et son appétit insatiable de rencontres se mettent au service d’une « mise en plages de vie » très marabout-bout de ficelle, impressionnante de créativité, émouvante de beauté.
Comme un boa, sa caméra avale, digère, puis régurgite beaucoup plus de souvenirs que tous les biopics assenés cette année. Plus qu’un testament : un chef-d’oeuvre.

Vous pouvez retrouver ce classement sur
www.ecrannoir. fr/le blog