Et le 61e Festival de Cannes regarda les aveugles…

Après Blindness de Fernando Mereilles, Slepe lasky du Slovaque Juraj Lehotsky, vainqueur du Prix de la CICAE décerné par un jury international composé de programmateurs de cinémas indépendants d’art et d’essai.Blind loves, Amours aveugles en français, est un documentaire qui malheureusement se prend pour une fiction. Et c’est là – sans mauvais jeu de mot – tout le problème de vision de ce film qui ne parvient jamais à trouver son sujet : d’un côté, l’amour chez les aveugles. De l’autre, la difficulté aux non-voyants de trouver leur place dans la société.

Juraj Lehotsky, jusqu’alors documentariste, divise son long métrage en chapitres-portraits où les protagonistes jouent leur propre rôle. Chaque volet raconte un visage différent de l’amour aveugle : un couple installé, la naissance d’une romance qui se traduit par une grossesse, une mère guidée par son enfant voyant, une jeune adolescente qui livre ses premiers émois sur le net…

Le problème de cette oeuvre est son manque cruel de scénario. À trop vouloir montrer les sentiments chez les aveugles, Blind loves gomme presque tous les handicaps que rencontrent ses personnages avec la réalité et la mentalité du monde extérieur.

Le premier volet, qui aurait fait un très beau court-métrage, est de loin le plus réussi du film. Grâce à lui, nous faisons la connaissance de Peter, un musicien qui vit avec son épouse.

Une très belle séquence montre le couple à leur domicile. Le soir est tombé. Seul un écran de télévision éclaire leur appartement. Peter écoute la télévision qui diffuse des championnats d’athlétisme. À l’écoute, il est capable d’évaluer le temps de la performance des sportifs. Près de lui, sa femme tricote un pull à une vitesse sidérante.

La poésie fait mouche et nous émeut lorsque Peter décide de se baigner tout habillé dans un étang. Une séquence fantasmée le montre sous l’eau. Il marche sur le sol, extrait de son cartable un sandwich qu’il mange avec appétit. Une pieuvre rose et mauve s’approche de lui. Le frôle de ses tentacules. Peter, confiant, lui rend sa caresse. L’animal fourbe saisit soudain l’homme, l’entraîne jusqu’à sa gueule. Crache de l’encre noire qui envahit tout l’écran et nous condamne, comme Peter, à la totale obscurité et à ses dangers.

Hélas, dès le second chapitre, le banal du quotidien affaiblit chaque portrait. Et Blind loves se contente de nous apprendre que l’amour rend les aveugles heureux, jaloux ou bêtes. Fallait-il un film pour ne nous donner à voir que cela?…

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