Consumé est une révélation éblouissante. Il n’est pas destiné aux âmes sensibles, mais à ceux qui sauront un voyage au coeur des profondeurs des ténèbres. A lire absolument. Le roman de Cronenberg est tout aussi perturbant, sinistre et captivant que ses films.

Stephen King

cover_consumes_cronenberg_davidQuiconque connaît David Cronenberg et son travail de cinéaste ne sera pas étonné d’apprendre qu’il a écrit un livre tant la littérature et l’écriture sont des constantes de son travail. Fils d’un père écrivain, il a publié quelques nouvelles dans des magazines de science-fiction, a toujours écrit ses scénarios, a adapté de nombreux livres et pas des moindres, Naked Lunch de William Burrougs, The Dead Zone de Stephen King, Crash de J. G.Ballard, Cosmopolis de Don DeLillo pour n’en citer que quelques-uns.
Consumés marque son entrée fracassante en littérature. Le roman suit deux photoreporters, Naomi Seberg et Nathan Math, liés par une sexualité débordante, avides d’histoires sensationnelles et de sujets scabreux, toujours à l’affût du scoop ultime. Amants et concurrents professionnels, ils arpentent la planète entière, se croisent à l’occasion dans des hôtels d’aéroport, communiquent de façon incessante grâce aux nouvelles technologies, une de leurs passions communes qu’ils maîtrisent à la perfection et dont ils traquent toujours les nouveautés les plus en pointe. Nathan qu’intéressent particulièrement les sujets médicaux, se trouve en Hongrie pour filmer une opération menée par un chirurgien, Zoltan Molnar, recherché par Interpol car soupçonné de trafics d’organes. Nathan, en couchant avec l’une des patientes du chirurgien, contracte une maladie – la maladie de Roiphe – que l’on croyait disparue. Il décide alors de se rendre à Toronto pour rencontrer le médecin qui a identifié cette étrange maladie. Naomi plus intéressée par les histoires sensationnelles suit avec passion l’affaire Arosteguy, un couple d’intellectuels parisiens, anciens professeurs de philosophie et libertins notoires. Aristide Arosteguy, actuellement en fuite, est non seulement accusé du meurtre de son épouse Célestine, mais également soupçonné d’avoir dépecé son cadavre et mangé certains de ses organes. Elle part sur les traces d’Aristide Arosteguy. Ces intrigues parallèles finissent par se croiser après avoir conduit les protagonistes de Paris à Budapest, de Tokyo à Toronto avec un détour par le Festival de Cannes.

Consumés est un concentré des obsessions de David Cronenberg, à savoir la maladie, le voyeurisme, la technologie, le sexe, les mutilations, le cannibalisme, poussées ici à l’extrême pour composer un univers particulièrement dérangeant et provocant. Le roman se signale par une maîtrise exceptionnelle du récit qui déroule une intrigue d’anticipation complexe et perturbante, ne ménage ni suspense, ni rebondissements, ni coups de théâtre, met en scène des personnages surprenants, à l’exception de la fin non aboutie.
Le livre touffu enchaîne les tableaux tous plus horribles les uns que les autres, abonde en descriptions très graphiques, donne à avoir les dernières innovations technologiques avec une profusion de détails qui peut, hélas, s’avérer fastidieuse. C’est un livre très bien documenté, écrit dans un vocabulaire riche et précis, parsemé de nombreuses références et citations, certaines très littéraires, d’autres beaucoup plus communes. Dans ce roman foisonnant, David Cronenberg observe avec méticulosité une société contemporaine, consumériste et hypermédiatisée, plongée dans une réalité virtuelle qui ne connait plus de limites, peuplée d’êtres malades, voyeurs et totalement cyniques.

Consumés, un coup de maître auquel on pardonne volontiers quelques longueurs, des descriptions lassantes, une fin décevante. À lire absolument le cœur bien accroché !


Les Matins / David Cronenberg : artiste double… par franceculture